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memri
Mar 11, 2006
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Le poète syrien Ali Ahmad Saïd, dit Adonis, présente son point de vue sur le monde arabe

# | 07:22
Source: FRENCH CLIPS

Ci-dessous des extraits d'une interview du poète syrien Ali Ahmad Saïd, dit Adonis, diffusée sur la télévision de Dubaï le 11 mars 2006:

Adonis : Aujourd'hui, la parole est considérée comme un crime. L'histoire n'a rien connu de semblable : dans la société arabe actuelle, vous dites un mot, et c'est comme si vous commettiez un crime.  

Interviewer : C'est vrai.  

Adonis : La parole et l'opinion sont considérées comme des crimes. C'est inconcevable. On peut vous arrêter pour un article.  

Interviewer : Par exemple... 

Dans le Coran même, il est dit qu'Allah a écouté son premier ennemi, Satan, et que Satan a refusé de lui obéir. Je pense qu' Allah aurait pu éradiquer Satan, mais il a prêté l'oreille au refus de Satan de lui obéir. Nous demandons au moins que les musulmans aujourd'hui écoutent ceux qui émettent des avis différents. 

Interviewer : Que pensez-vous du projet de démocratisation, le projet de "Grand Moyen-Orient" ? 

Adonis : Tout d'abord, je suis contre toute ingérence étrangère dans les affaires arabes. Si les Arabes sont incompétents au point de ne pouvoir être démocrates par eux-mêmes, ils ne le deviendront pas grâce aux autres. Si nous voulons devenir démocrates, nous devons prendre les devants. Mais les conditions de la démocratie n'existent pas dans la société arabe, et ne pourront exister que si la religion est réinterprétée correctement et comprise comme une expérience spirituelle personnelle qu'il convient de respecter. Toutes les questions relatives aux affaires de la cité et des individus doivent être réglées par le droit et par les individus eux-mêmes. 

Interviewer : M. Adonis, que pensez-vous de la démocratie en Palestine, qui a mené le Hamas au pouvoir ? 

Adonis : Je la soutiens, mais je m'oppose à la création d'un Etat fondé sur la religion, même si c'est le Hamas qui l'instaure.  

Interviewer : Même s'il libère la Palestine. 

Adonis : Oui, parce que mon devoir serait de combattre cet Etat religieux. 

Interviewer : Quelles sont les causes de la sacralisation croissante des dictatures – tantôt au nom de l'arabisme, tantôt au nom du rejet des étrangers ? Cette sacralisation est le fait même de l'élite, comme on peut le constater avec le procès de Saddam Hussein et au vu de tous ceux qui le soutiennent. 

Adonis : C'est un phénomène très dangereux qui n'est pas étranger au concept d'unicité, lequel, en termes pratiques ou politiques, prend la forme du héros, du sauveur ou du chef. C'est un concept sécurisant pour ceux qui craignent la liberté. Il y a des gens qui craignent la liberté.  

Interviewer : Parce qu'elle est synonyme d'anarchie ? 

Adonis : Non, parce que la liberté est un lourd fardeau. Elle n'est en rien facile à vivre. 

Interviewer : On a besoin d'un patron (rires)... 

Adonis : La liberté nous place en face de la réalité, du monde dans sa globalité. Elle nous oblige à affronter les problèmes du monde, et tout le reste... 

Interviewer : Tous les problèmes. 

Adonis : En revanche, si nous sommes esclaves, nous pouvons nous contenter de n'avoir à nous occuper de rien. De même qu'Allah résout tous nos problèmes, le dictateur réglera tous nos problèmes. 

Je ne comprends pas ce qui se passe aujourd'hui dans la société arabe. Je ne saurais expliquer cette situation que par l'hypothèse suivante : dans le monde arabe, avec toutes ses ressources et le potentiel de l'individu arabe, notamment à l'étranger, on trouve de grands penseurs, des scientifiques, de grands ingénieurs et médecins. L'Arabe n'est pas moins intelligent, pas moins brillant que les autres. Il peut réussir, mais pas dans sa société. Je n'ai rien contre les individus ; je n'en ai que contre les institutions et les régimes. Si je considère les Arabes, avec toutes leurs ressources et leur potentiel, et si je compare ce que les Arabes ont réalisé ces cent dernières années à ce que les autres ont réalisé durant la même période, je dirais que les Arabes sont en  voie d'extinction, dans le sens où nous n'avons pas de présence créatrice dans le monde. Nous sommes éteints. Ce n'est pas la quantité qui manque. Nous avons des masses d'individus, mais un peuple s'éteint quand il perd son énergie créatrice, le pouvoir d'améliorer et de changer le monde. 

Les grands Sumériens se sont éteints, de même que les grands Grecs, de même que les Pharaons. Le signe le plus clair de cette extinction est que nous, intellectuels, continuons de réfléchir dans le cadre de cette extinction. 

Interviewer : C'est très dangereux. 

Adonis : C'est là notre véritable crise intellectuelle. Nous appréhendons un monde nouveau avec des idées révolues, dans un cadre dépassé. Nous devons nous détacher complètement de ce cadre, à tous les niveaux, et envisager une nouvelle identité arabe, une nouvelle culture, une nouvelle société arabe. 

Imaginez que les sociétés arabes ne subissent pas l'influence de l'Occident. Que resterait-il ? Les musulmans doivent...  

Interviewer : Que resterait-il ? 

Adonis : Rien. Il ne resterait rien, à part la mosquée, l'église, et le magasin, bien sûr, c'est-à-dire le commerce.  

Les musulmans aujourd'hui – pardonnez moi ce que je vais dire – avec leur interprétation (des écrits religieux), sont les premiers à détruire l'islam, tandis que ceux qui critiquent les musulmans – les non-croyants, les infidèles, comme on les appelle – perçoivent dans l'islam la vitalité qui pourrait l'adapter à la vie. Ces infidèles rendent un plus grand service à l'islam que les croyants.

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