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Jun 19, 2009
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Le poète irakien Abbas Khidr relate ses années d'emprisonnement en Irak sous Saddam Hussein et fustige les poètes nationalistes qui appuient les tyrans

# | 08:19
Source: FRENCH CLIPS

Ci-dessous des extraits d'une interview d'Abbas Khidr, poète né en Irak et résidant actuellement en Allemagne, diffusée sur la télévision Alaan, le 19 juin 2009.

Interviewer : Comment se déroulait l'interrogatoire avec vous, Abbas ?

Abbas Khidr : L'interrogatoire irakien ? Les irakiens n'interrogent pas, mon frère. Ils torturent. Par exemple, si vous leur fournissez un renseignement, c'est le début de sérieux problèmes, car ils voudront d'autres renseignements. Ils commencent par vous demander : "As-tu entendu parler de nous ? As-tu entendu parler de la torture dans les prisons irakiennes ?" L'enquêteur vous pose la question, exactement dans ces termes. "Vas-tu avouer ou non ?" Si vous dites que vous êtes innocent, ça commence. Il existe différentes méthodes de torture. Il n'y a pas d'interrogatoire – que de la torture. Ils veulent des informations et des noms. Le plus important, ce sont les noms. Vous êtes obligé de donner des noms, et parfois ceux de vos amis, ce qui pose un problème car vous allez détruire leurs vies. Vous devez donc supporter la torture, et c'est alors que la torture augmente.

Les méthodes de torture incluent ce qui est appelé "la suspension". Ils vous suspendent au plafond pour trois ou quatre heures. Jusqu'à ce jour, j'ai un problème à l'épaule. Elle se disloque. Ceci est la "suspension". Quant aux coups sur les pieds, ils se font sur une chaise.

Il y a aussi l'"Al-Khaygania", du nom de l'interrogateur irakien qui l'a inventée. On vous attache à une chaise comme un mouton et on vous donne des coups de bâton sur les mains. Je me souviens qu'une fois, un interrogateur est venu me battre. Il a pris trois bâtons, et m'a demandé de choisir entre le large, le moyen et le petit. Je ne savais pas lequel faisait le plus mal, alors j'ai choisi le petit. Quel idiot j'ai été – le petit fait le plus mal. Il m'a dit: "Abbas, la prochaine fois choisis le large, idiot ! Le petit fait plus mal." C'est vrai. Le petit bâton fait le plus mal.

Mais la pire sorte de torture, c'était les électrochocs. Je peux tout supporter mais les électrochocs, réellement, m'affaiblissaient. J'avais peur de dénoncer plusieurs personnes. Les électrochocs... Mon Dieu... Aucune langue au monde ne peut décrire cela.

Au début, lorsqu'ils vous torturent, vous vous affaiblissez, mais après deux jours, le corps s'habitue aux coups. Il s'habitue même aux électrochocs. Une personne qui parvient à supporter les trois premiers jours survivra au reste.

Mais il y a d'autres méthodes de torture – la torture mentale par la faim. Ils nous donnent un morceau de pain par jour : c'était notre petit déjeuner, notre déjeuner et notre dîner. Comment pouvez-vous vivre avec seulement un morceau de pain ? Ensuite ils vous conduisent au bureau et vous placent devant un kebab, du pain chaud, des oignons grillés et des tomates, et ils vous disent: "Avoue, et on te laissera manger !" Je connais quelqu'un qui a été affamé pendant une semaine, mais n'a pas avoué. Ils l'ont affamé encore quatre jours, et l'ont amené au bureau, ont mis du kebab devant lui, et lui ont demandé : "Tu avoues ?" Il a dit: "Non". Il est retourné (à sa cellule), mais au bout de cinq minute, il n'a pas pu supporter, et il a commencé à frapper à la porte, en criant qu'il était prêt à avouer. Il a fini par dénoncer 40 personnes qui étaient avec lui dans l'organisation. Quarante personnes ! Moins d'une semaine plus tard, il s'est suicidé.

Il y a des méthodes indescriptibles de torture. Des fois, ils vous violent – ce que nous appelons en Irak le "bottle": Ils vous font asseoir sur une bouteille qui vous pénètre... Ils vous déshabillent... C'est la cruauté de notre pays, malheureusement.

[...]

Je suis sorti de prison le 25 mai 1995, grâce à l'amnistie générale décrétée en 1995 pour les prisonniers politiques en Irak. Comme je vous l'ai dit, je n'étais pas accusé de grand chose. Par rapport aux vrais prisonniers politiques, ces accusations étaient mineures.

Interviewer : De quoi étiez-vous accusé?

Abbas Khidr : De diffuser des livres interdits. Les vrais prisonniers politiques ont été exécutés. En 1995, seuls les petits ont été libérés, et j'étais l'un d'eux. Ce fut un moment étrange, après avoir vécu deux ans en sous-sol, sans voir la lumière du jour. Ce fut un moment étrange – de voir le soleil pour la première fois après deux ans. Après être sorti de prison, mon rêve était de rester en Irak. Je ne pensais pas quitter l'Irak, malgré les problèmes psychologiques que j'ai connus après ma libération. C'étaient des moments très difficiles. Vous quittez la prison mais vous l'emportez avec vous, dans votre cœur.

[...]

J'ai décidé de partir pour l'Europe. Par miracle, j'ai obtenu un visa pour la Turquie, et lorsque mon passeport irakien a expiré, je suis allé à pied jusqu'en Grèce. J'ai failli entrer en prison près de dix fois, dans plusieurs pays arabes. J'ai essayé de m'enfuir en passant par la Libye, et ils m'ont attrapé deux fois. J'ai aussi été arrêté en Tunisie une fois, et ils ont tamponné sur mon passeport "interdit de séjour en Tunisie"...

Interviewer : Vous êtes comme Ibn Battuta...

Abbas Khidr : Oui. Je me suis fait arrêter aussi cinq fois en Turquie, deux fois en Grèce. Bref, cela m'a pris environ un an pour fuir de la Turquie vers l'Allemagne... Je me cachais dans les voitures, les trains, les bateaux, et ainsi de suite.

[...]

Je ne cherchais pas à attaquer un écrivain, un penseur ou un poète en particulier – arabe ou irakien. L'idée était de critiquer une culture qui domine le monde arabe – la culture militaire, la culture du dirigeant ou du parti unique, la culture de la guerre. Je suis préoccupé par le fait que la culture arabe, et notamment la culture irakienne, soit dominée par les termes "mort" et "martyre" plus que par les termes "vie" et "être humain". C'était précisément mon problème avec la culture irakienne dans les années 1980, et mon livre parle des années 1980, plus ou moins. Le problème, c'est la glorification de la guerre Iran-Irak par beaucoup d'intellectuels et d'écrivains arabes qui ont fait l'éloge de Saddam Hussein. Ils se réfèrent au "martyr irakien" comme à un mythe. Or, il s'agit d'un homme qui s'est fait tuer : de quel "martyr" parlent-ils ? Pendant que les gens pleuraient dans la rue, les intellectuels arabes parlaient d' "héroïsme", de gloire, etc. Personne parmi eux ne parlait des familles du tué.

[...]

J'ai trouvé étrange que des grands écrivains et poètes arabes – qui parlent d'amour et de liberté – se soient rendus en Irak pour faire l'éloge de Saddam Hussein. Prenez Nizar Qabbani, par exemple. Il a écrit que le poème le plus beau était celui du Conseil révolutionnaire (irakien). Est il concevable que le plus grand des poètes arabes parle de poésie en évoquant le Conseil révolutionnaire irakien, qui faisait la guerre et ordonnait l'exécution des gens dans les rues d'Irak ?!

Prenons une poétesse comme Souad Al-Sabbah – la princesse koweïtienne qui s'est rendue en Irak, et a écrit un poème dédié à Saddam Hussein... ou pardon, a écrit un article dédié à Saddam Hussein. Elle a écrit: "Un poète qui n'écrit pas pour la guerre et pour le chef est un traître. Nous devons le poursuivre et brûler tous ses poèmes." Imaginez que cette femme, qui devrait parler de tendresse et de beauté, dit qu'il faudrait brûler et tuer ! Elle était koweïtienne et l'a dit dans les années 1990. Une autre a écrit dans un poème sur le soleil et la mer : "... Comme j'aimerais épouser un sabre !" Ma sœur, d'où sors-tu cette cruauté ? Tu veux te marier avec un sabre ?! Elle avait dédié son poème à Saddam Hussein.

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