Ci-dessous des extraits d'un reportage
de la télévision égyptienne sur la coutume de la
défloration nuptiale en Egypte, diffusé sur
la première chaîne égyptienne le 8
octobre 2009 :
L'obstétricienne Rima Khafsh : L'une des choses qui m'a le plus
choquée est [le récit] d'une jeune fille vivant dans un bidonville,
à qui le cousin a dit que le jour de leur mariage, il la déflorerait
à la station de bus, puisque son père avait insisté.
Présentatrice : A la station de bus ?!
Dr Rima Khafsh : Oui, dans la rue.
[...]
En d'autres termes, son honneur allait être violé en public.
Dr Rima Khafsh : Ils ont étalé un drap par terre et toutes les
femmes ont encerclé la jeune fille, et son père a dit : "Il prendra
son honneur dans la rue." S'il s'avère qu'elle est vierge, il
l'épousera, et si elle n'est pas vierge, elle sera tuée sur place.
Présentatrice : A la station de bus ?
Dr Rima Khafsh : Oui, la station de bus d'Ein Siwa.
Présentatrice : C'est horrible qu'un père puisse insister pour
que l'honneur de sa fille soit violé en public, après l'avoir éduquée
toute sa vie à considérer son corps comme sacré.
Dr Rima Khafsh : Ils ne l'ont pas tuée dans les faits, mais
ils l'ont mentalement tuée.
[...]
Il n'est pas rare que des femmes utilisent une expression qui décrit
très exactement leur sentiment à l'égard des rapports sexuels avec
leurs maris. Elles disent : "Quand il a fini de se servir de moi,
je me sens fatiguée."
Présentatrice : Mon Dieu.
Dr Rima Khafsh : Elles ont le sentiment que leurs maris se servent
d'elles, non qu'ils sont leurs partenaires dans la vie.
[...]
Une Egyptienne : Je l'ai vécu. Cela s'est passé selon la coutume.
Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. C'est un moment de joie,
mais en même temps, ça ne l'est pas. C'est un moment de joie parce
que j'entre dans un monde nouveau avec quelqu'un que j'aime, et parce
que je suis une jeune mariée, entrant dans un monde magnifique, et
pourtant cela devient un moment douloureux.
Perdre sa virginité de cette manière
est désagréable. On vous place dans une situation terrible. Tout à
coup, on soulève votre robe, le voile est relevé en quelques secondes,
il y a du stress... Bien que je sois gênée et timide devant lui, je
me retrouve complètement nue devant lui. Bien sûr que c'est difficile
et désagréable.
Je le vois à ce moment. Mes tantes et toute ma famille sont là, participant
à ce moment, Vierge, j'étais même gênée qu'il me touche la main.
Et tout à coup je me retrouve devant ma famille, nue. Je me disais
: D'accord, j'ai peur mais quand je le ferai avec lui plus tard, je
n'aurai pas peur. Ce sera avec amour. J'avais peur parce que je ne savais
pas ce qui allait arriver. Je ne savais pas quoi penser. Je voyais juste
ce morceau d'étoffe blanche. Je ne savais pas ce qu'ils allaient en
faire.
Présentatrice : Nous avons Nadia parmi nous. Nadia, vous avez
vécu la coutume de la défloration. Est-ce que ce fut juste d'un point
de vue social, ou était-ce comme une mutilation de la personnalité
?
Nadia : C'était comme un viol. La famille et les amis ont organisé
le mariage, comme le veut la coutume. Quand nous sommes partis, j'ai
cru que mon mari et moi rentrions chez nous, et que nous fermerions
la porte derrière nous. Et même si cela s'était passé ainsi –
si nous étions rentrés chez nous et avions fermé la porte – je
n'aurais pas eu le courage de me retrouver nue devant lui. J'étais
encore timide.
Présentatrice : C'est une toute nouvelle vie pour vous.
Nadia : Ils ne m'ont pas laissé surmonter ma timidité, lui
parler. Lui non plus. Je voyais mon père qui se tenait debout dehors.
Mes tantes et ma mère sont entrées avec l'air de vouloir me tuer,
et il les aidait. Mon mari, que j'aimais, les aidait. Je sentais qu'il...
Présentatrice : Qu'est-ce qu'il vous a dit ?
Nadia : Il m'a déshabillée. Il ne m'a pas laissée le faire
moi-même. Il a ôté mon voile et...
Présentatrice : Comment ? Comme ça d'un coup ?
Nadia : C'était comme s'il ne pouvait pas attendre plus longtemps.
Présentatrice : C'est une agression.
Nadia : Oui, c'était une agression contre moi. C'est pourquoi
j'ai parlé de viol. Son agression m'a glacé le sang. Quand ce fut
fini, les femmes ont entamé leurs youyous et autres joyeusetés.
Présentatrice : Pourquoi des youyous ?
Nadia : Elles ont sorti le morceau de tissu taché de sang et
ont entamé des youyous.
Présentatrice : Qu'avez-vous ressenti envers lui et votre famille
à ce moment ?
Nadia : J'étais très en colère contre eux parce qu'ils ne
m'avaient pas fait confiance. Faire une chose pareille signifie qu'ils
ne font pas confiance en leur fille. Ils ne m'ont pas protégée. C'est
ce qui m'a tellement bouleversée.
Présentatrice : Et après ?
Nadia : Après, j'ai senti des frissons de peur parcourir tout
mon corps. Je sentais que je le haïssais, que je ne voulais pas de
lui du tout. J'ai saigné pendant quatre jours. Et j'avais peur. Après
cela, quand il avait envie de moi comme épouse, j'avais peur.
Présentatrice : Vous étiez fermée ...
Nadia : Je ne le désirais pas.
Présentatrice : Avez-vous réussi à surmonter ces sentiments
avec le temps ?
Nadia : Un petit peu, avec le temps. Mais à chaque fois que
je vois une jeune fille se marier, je me dis : la pauvre, j'espère
qu'ils ne vont pas lui faire la même chose.
Présentatrice : Vous ne pouviez pas dire non ?
Nadia : Je m'attendais à ce quelqu'un d'autre dise non : mon
mari.
[...]